
Communication par e-mail entre les professionnels de santé et les patients: risque ou valeur ajoutée?
Communiquez-vous par e-mail avec vos patients ou vos clients? C’est le cas de Madame Daina-Laville, infirmière indépendante spécialisée en diabétologie, qui s’est penchée sur la question de la communication par e-mail entre les soignants et leurs patients dans un travail de sémi-naire réalisé dans le cadre du master «MAS en Sciences et organisation de la santé». Voici quelques-unes de ses conclusions et constatations.
Scénario 1: une personne diabétique relève des taux de glycémie un peu bas ces derniers jours. Elle est un peu inquiète – mais doit-elle vraiment reporter ses rendez-vous professionnels du lendemain pour se rendre à la consultation de diabétologie? Heureusement, elle a l’adresse e-mail de l’infirmière spécialisée en diabétologie. Elle demande par mail à cette dernière si elle doit éventuellement adapter son dosage d’insuline.
Scénario 2: un soir, un homme de 73 ans ressent des douleurs dans la poitrine. Lui aussi est inquiet – mais ne serait-ce pas un peu exagéré d’aller directement aux urgences? Heureusement, il a l’adresse e-mail de son médecin de famille. Il décide de demander en premier lieu l’avis à ce dernier par e-mail. Malheureusement, son médecin de famille a déjà terminé sa journée de travail...
De l’attente à la réticence
Nos exemples de scénarios illustrent ce que Nathalie Daina-Laville décrit en détail dans son travail: la communication par e-mail entre les professionnels de la santé et les patients est comme les deux faces d’une même médaille: elle comporte aussi bien des opportunités que des risques et des défis.
Selon Madame Daina-Laville, de nombreux patients souhaitent pouvoir communiquer par e-mail avec leur médecin ou leur soignant. Cela n’est guère surprenant, car l’e-mail fait partie intégrante de notre quotidien, pourquoi donc ne pas l’utiliser dans les échanges avec les professionnels de santé? De plus, de nombreux patients souhaitent aujourd’hui former un partenariat avec leurs soignants ou leurs médecins, en particulier dans les situations de soins chroniques. L’échange par e-mail peut favoriser ce type de collaboration.
En revanche, de nombreux professionnels de santé sont plutôt sceptiques vis-à-vis de l’échange d’e-mails avec les patients. Cette réticence n’est pas non plus sans fondement. Pour les professionnels de la santé, la communication par e-mail avec les patients comporte aussi des risques et soulève de nouvelles questions.
Plus de continuité et une meilleure autogestion
Parmi les avantages importants de la communication par e-mail, Madame Daina-Laville cite le fait qu’elle peut augmenter l’autogestion des maladies chroniques et améliorer la continuité des soins. Par exemple, si une patiente a une question, elle ne doit plus attendre le prochain rendez-vous avec son médecin ou le personnel soignant, mais peut la poser par e-mail. Cela permet, si nécessaire, d’adapter plus rapidement et facilement les médicaments ou leurs dosages, et d’améliorer ainsi la qualité des soins.
L’e-mail permet en outre aux patients d’entrer facilement en contact avec leurs soignants ou leurs médecins – et inversement. Pour les patients, cette possibilité de disposer d’un canal de communication direct procure un sentiment de sécurité, ce qui peut influencer positivement la relation médecin-patient ou soignant-patient. De plus, les patients peuvent consulter à tout moment et dans le calme les informations reçues.
Un autre avantage, également visible dans notre premier exemple de scénario, est un meilleur accès aux soins médicaux: la possibilité d’échanger par e-mail évite dans certains cas de devoir se rendre chez le médecin. Le patient gagne ainsi du temps, n’a pas besoin de s’absenter de son travail, d’organiser une garde d’enfants...
Charge de travail supplémentaire et questions juridiques
Dans son travail, Madame Daina-Laville rapporte aussi le cas de cabinets médicaux qui ont opté pour la communication par e-mail avec leurs patients. Suite à la quantité importante d’e-mails provenant des patients, et donc à l’augmentation de leur charge de travail, certains médecins ont fait le choix de mettre un terme à ce type de canal de communication.
L’aspect juridique de la communication par e-mail ne doit pas non plus être négligé, car les patients et les clients ne disposent généralement pas d’adresses e-mail conformes à la protec-tion des données. Si un professionnel de santé envoie des données de santé sensibles par e-mail standard (pas de solution conforme à la protection des données avec technologie de chif-frage), il viole son devoir de diligence et enfreint la loi sur la protection des données (LPD). Il est donc indispensable d’informer préalablement le patient des risques liés à la protection des données dans le cadre de la communication par e-mail et d’obtenir son accord pour ce faire.
Si un e-mail contient des données de santé, il doit être envoyé sous forme cryptée. En revanche, les e-mails standard, envoyés par exemple à une adresse GMX ou Gmail, ne sont pas conformes à la protection des données. HIN propose une solution sécurisée, spécialement développée pour le système de santé – également pour l’envoi à des destinataires sans HIN.
Voici comment fonctionne l’envoi quand le destinataire ne dispose d’aucune adresse e-mail HIN:
- Rédigez l’e-mail comme à l’accoutumée depuis votre adresse e-mail HIN.
- Écrivez «(confidentiel)» dans la ligne Objet de l’e-mail.
- Envoyez maintenant l’e-mail au destinataire souhaité, y c. aux destinataires sans HIN. L’e-mail est envoyé sous forme cryptée.
Le fossé numérique dans les soins de santé
Selon Nathalie Daina-Laville, un autre risque est d’ordre social: plusieurs études indiquent que l’utilisation de l’e-mail comme canal de communication avec les patients peut renforcer l’inégalité d’accès aux soins de santé au sein de la population. Toutes les personnes en Suisse ne sont pas en mesure d’utiliser l’e-mail comme moyen de communication. Il a été observé que les personnes qui ont une faible littératie en santé numérique sont justement celles qui auraient le plus besoin de ce genre de canal de communication. Il a été observé que les personnes qui n’ont pas cette possibilité sont souvent celles qui auraient le plus besoin de ce type de canal de communication.
Toutes les questions ne sont pas adaptées à l’e-mail
Notre exemple de l’homme souffrant de douleurs dans la poitrine montre un autre point abordé par Nathalie Daina-Laville: toutes les questions ne se prêtent pas à la communication par e-mail. Celle-ci ne devrait donc pas être utilisée en cas de problème de santé urgent, car il n’est pas garanti que le destinataire lise immédiatement l’e-mail. L’e-mail est également peu adapté aux questions compliquées. Le risque de malentendus est trop important. Ces deux points peuvent avoir de graves conséquences, par exemple si un problème de santé urgent n’est pas traité assez rapidement parce que l’expéditeur attend la réponse du destinataire ou si une erreur médicale survient à la suite d’un malentendu.
Une utilisation correcte est essentielle
Selon Madame Daina-Laville, il est élémentaire que les professionnels de la santé utilisent avec précaution l’e-mail comme canal de communication avec leurs patients et qu’ils prennent le temps de le rédiger et de l’envoyer. En effet, il suffit parfois d’une absence de salutation ou d’une phrase mal formulée pour nuire à la relation avec un patient. Dans le pire des cas, l’inattention peut même avoir des conséquences juridiques, car quiconque envoie par erreur des informations de santé au mauvais destinataire enfreint le devoir de diligence. Dans son travail, Madame Daina-Laville a donc élaboré des recommandations d’action sur les points aux-quels les professionnels de santé doivent être attentifs lorsqu’ils utilisent des e-mails dans leur communication avec les patients.
Le patient a aussi sa part de responsabilité
Tout patient a un devoir de coopération dans le cadre de son traitement. Cela peut également s’appliquer à la communication par e-mail: celle-ci ne peut fonctionner que si le patient en assume également la responsabilité. Madame Daina-Laville précise donc qu’il est très important que les professionnels de la santé informent les patients sur les risques liés à la sécurité et à la confidentialité des e-mails et sur leurs attentes quant à la manière d’utiliser les e-mails. Elle en dit plus dans l’interview complémentaire. Dans le cadre de son travail, Nathalie Daina-Laville a élaboré une charte dont les professionnels de la santé peuvent discuter avec leurs patients et qu’ils peuvent ensuite signer conjointement. La charte sert de modèle et peut être adaptée aux besoins individuels.
Profiter des avantages et minimiser les risques grâce à la formation
Madame Daina-Laville voit une valeur ajoutée évidente dans l’utilisation de l’e-mail dans la communication avec les patients. Toutefois, elle souligne également que l’utilisation de l’e-mail doit être prudente et réfléchie afin de réduire au minimum les risques. Elle estime donc qu’il est important que les professionnels de la santé soient soutenus de manière adéquate afin de se sentir en confiance dans leur utilisation des e-mails. Dès la formation, des thèmes tels que l’utilisation correcte des outils numériques et des aides électroniques doivent être abordés.

Nathalie Daina-Laville
Nathalie Daina-Laville est infirmière indépendante spécialisée en diabétologie et maître d’enseignement HES à l’Institut et Haute Ecole de la Santé La Source.
Informations complémentaires et téléchargements
Dans notre entretien avec Nathalie Daina-Laville, vous en apprendrez plus sur son travail.
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