«Le DEP sera particulièrement utile pour les personnes souffrant de multimorbidité et de maladies chroniques»

Stefan: Madame Jörger, l’introduction du DEP est-elle en bonne voie dans le secteur?Anna Jörger: Le retard pris dans le raccordement des hôpitaux et la certification de communautés (de référence) a eu un impact indéniable sur notre secteur: Cela a suscité des incertitudes dans de nombreuses institutions quant au moment opportun et aux efforts à déployer en interne dans le cadre du DEP. C’est tout à fait compréhensible, mais maintenant que les obstacles les plus importants ont été franchis, les établissements médico-sociaux et les institutions pour personnes handicapées peuvent et doivent se préparer. Il existe désormais un grand nombre d’excellents outils, et les communautés (de référence) peuvent donner un coup de main lors des différentes étapes de mise en œuvre.Quels sont les défis les plus importants liés à la mise en place du DEP et comment les maîtriser?Il ne faut pas oublier que les établissements médico-sociaux en Suisse comptent en moyenne environ 60 places. Il est donc évident que les besoins et le contexte de départ dans de telles institutions sont très différents de ceux des hôpitaux. Jusqu’ici, le projet de déploiement à grande échelle du DEP était plutôt conçu pour les hôpitaux, comme en témoignent les exigences imposées aux établissements de santé par la loi et donc par les communautés (de référence). Les établissements médico-sociaux et les institutions pour personnes handicapées doivent surmonter ces obstacles mais, contrairement aux hôpitaux, sans services informatiques ou juridiques dédiés à cette tâche et dotés du personnel adéquat.

«Nous ne pouvons pas démontrer les avantages du DEP de manière abstraite et théorique. Il faudra en faire l’expérience au quotidien.»

Un autre point crucial est que les avantages du DEP ne sont pas (encore) perceptibles. Nous ne pouvons pas démontrer ces avantages de manière abstraite et théorique, il faudra en faire l’expérience au quotidien. Et cela prendra du temps, d’autant plus que, dans les années à venir, les résidents ne seront probablement pas nombreux à ouvrir un DPE ou à en avoir déjà un à leur entrée.Comment les résidents vont-ils pouvoir tirer profit du DPE?Le DEP sera particulièrement utile pour les personnes souffrant de multimorbidité et de maladies chroniques, car elles génèrent un nombre assez important de données relatives à leur traitement, lesquelles doivent être mises à la disposition de différents professionnels de la santé dans le cadre de la collaboration interprofessionnelle. La plupart de nos résidents font partie de cette catégorie de patients. Mais le DEP peut être intéressant également pour les proches, car il évite d’avoir à rechercher à chaque fois par téléphone quand et où une information spécifique relative à leur traitement (p. ex. un rapport de sortie) est disponible, et il permet de consulter soi-même ces informations à condition d’avoir pris en charge la suppléance du DEP pour le proche, parent(e) ou ami(e).

«Les institutions pour personnes ayant besoin de soutien doivent pouvoir contribuer à la transformation numérique de leurs organisations.»

Selon vous, quelle valeur ajoutée le DEP va-t-il apporter aux établissements proprement dits?Les soins intégrés sont essentiels pour que tous les acteurs du secteur de la santé puissent adopter une approche proactive des défis actuels et futurs. En outre, ils permettent aussi de répondre aux besoins des patients. Aujourd’hui, les institutions de soins longue durée sont déjà bien plus que des fournisseurs de prestations stationnaires: les services proposés et les structures sont de plus en plus variés. Par ailleurs, elles travaillent de manière accrue en étroite collaboration avec d’autres prestataires de services du domaine de la santé et du social. Le DEP doit être considéré comme un élément parmi d’autres du soutien numérique de cette évolution très réjouissante.Regardons un peu plus loin dans l’avenir: quelle est la vision de Curaviva en matière de cybersanté?Les institutions pour personnes ayant besoin de soutien doivent pouvoir contribuer à la transformation numérique de leurs organisations. Cela suppose qu’elles se préparent vraiment et agissent de manière proactive face aux défis tout en restant ouvertes aux opportunités. Mais d’un autre côté, il convient aussi bien sûr, à tous les niveaux, de permettre aux clients (résidents, patients) et aux collaborateurs de développer des compétences pour que la transformation numérique puisse s’effectuer de manière judicieuse. Et last but not least: les outils et aides numériques ne sont pas une fin en soi. Ils doivent vraiment créer de la valeur ajoutée et non pas compliquer la vie. Cela est d’autant plus vrai pour les groupes d’utilisateurs âgés et les collaborateurs de secteurs professionnels constamment surchargés et en sous-effectif. Il est donc absolument crucial que les développeurs proposent des solutions efficaces et adaptées aux besoins. Et notre secteur préfère bien sûr disposer de solutions globales sophistiquées et intégratives plutôt que d’un grand nombre de solutions individuelles qui ne peuvent pas communiquer entre elles.